La mécanographie est apparue dans le sillage de l’électro-mécanique (alliance de la mécanique et de l’électricité : contacts, relais, moteurs…).
La mécanographie est antérieure aux ordinateurs, mais c'est le début de l'informatique, au sens propre : traitement de l'information par un moyen automatique .
En 1890, comme tous les 10 ans, les États-Unis effectue le recensement de leur population. C'est le onzième du genre.
Mais le dépouillement du précédent, commencé en 1880 à la main, ayant duré 7 ans, le gouvernement se met à la recherche d'une méthode plus efficace. Ceci afin d'automatiser le traitement des données et gagner du temps pour effectuer ce recensement. Un appel d'offre est gagné par l'ingénieur Herman Hollerith (1860-1929).
Hollerith propose 2 choses :
– des fiches en carton à perforer avec une sorte de pantographe. Chaque trou correspond à une information : état, sexe, age, type ethnique (caucasien, noir, asiatique, indien)... Il n'y a pas de 'codage' de l'information à ce premier stade.
– une machine de traitement, en forme de bureau : d'un côté une presse à main reçoit la carte ; des 'doigts' poussés par des ressorts passent alors dans les trous et ferment des contacts électriques ; un ensemble de compteurs sur le haut du bureau enregistrent le résultat.
L'opération est un succès. le recensement est dépouillé en quelques mois. Hollerith va fonder une compagnie pour exploiter son invention. Il fusionnera quelques années plus tard avec une autre société qui finalement donnera naissance à la compagnie... IBM !
La première carte brevetée par Hollerith en 1889 recevait des trous ronds disposés en 10 lignes et 20 colonnes. C'est cette carte qui fut utilisée pour le recensement de 1890. Son format a évolué progressivement, le nombre de trous à augmenté tout les 10 ans : en 1900, 10 lignes et 24 colonnes, en 1910, 12 lignes 27 colonnes, en 1920, 12 lignes et 45 colonnes et en 1928, 12 lignes et 80 colonnes. La carte prend les dimensions du billet d'un dollar (pratique pour trouver des bacs de rangement...).
En 1928 T.Wilson d'IBM redessine la disposition de la carte et les trous deviennent rectangulaires, pour rendre la carte exploitable par des machines à « lecture » électrique. Cette carte va devenir le modèle universel, utilisé d'abord en mécanographie, puis comme média d'entrée des informations dans les ordinateurs. Elle va durer jusqu'au milieu des années 1970.
Chaque colonne de cette carte peut recevoir un caractère, chiffres et lettres avec un codage dit "Hollerith".
– Pour les chiffres, pas de difficulté : on perfore la ligne 0 pour 0, la ligne 1 pour 1 ... jusqu'à 9.
– Pour les lettres, on va utiliser les lignes du haut de la carte. Un trou en ligne 12 et un trou en ligne 1 code un 'A', 12 et 2 code un 'B'. Et ainsi de suite jusqu'à 'I'. On reprend avec un trou en ligne 11 et un trou en ligne 1 pour J. Et ainsi de suite jusqu'à 'R'. Et on reprend avec un trou en ligne 0 et un trou en ligne ... 2 (Attention) pour 'S'. Et ainsi de suite jusqu'à 'Z'.
– Et, ultérieurement, on a ajouté les accents et les caractères spéciaux en utilisant des codes à 3 ou 4 perforations...
Le grand problème des cartes IBM est le risque de décalage des colonnes avec des perforatrices mal réglées.
Des calibres permettaient aux techniciens de maintenance de vérifier le bon alignement des trous. On pose une carte perforée sur la grille. Dès qu'un trou est mal positionné, on voit apparaître une marge noire sur le bord du trou
Bien sur, des sociétés concurrentes ont développé d'autres formats de carte. Un cas intéressant est celui de la société anglaise ICT qui utilisait des cartes 40 colonnes à trous ronds.
Pour assurer une perforation parfaitement alignée, la perforatrice ICT (photo de droite) utilisait un mécanisme particulièrement astucieux. La perforation s'effectue en une seule fois, avec une matrice de 480 poinçons qui font face à une matrice de 480 trous.
Au dessus de chaque poinçon vient se positionner – ou se retirer – un 'entreposeur' (une petite cale). À chaque frappe sur le clavier correspond la mise en place ou le retrait des entreposeurs d'une colonne. Puis quand la frappe au clavier est complète, la pression sur la touche 'Perfo' fait descendre brutalement le plateau supérieur qui presse les entreposeurs et perfore tous les trous demandés d'un coup, strictement au gabarit.
Cette perforatrice ICT type 44 était utilisée dans le bureau comptable Meunier à Grenoble.
En format carte IBM, on trouve différents types de cartes spéciales, destinées à faciliter la saisie des données, en évitant le passge par l'atelier de perfo.
– Certaines cartes comportaient des cases à noircir avec un crayon à mine grasse magnétique. Un lecteurs spécial pouvait les interpréter directement.
– D'autres cartes étaient pré-découpées en micro-perforation : les confettis rectangulaires pouvaient être chassés simplement avec la pointe d'un crayon.
À noter que ce support est encore utilisé aujourd'hui, pour le vote dans certains états des Etats-Unis...
IBM lui-même a étudié d'autres formats de carte : petites cartes à 96 colonnes pour l'IBM Système/3 en 1969. Ces cartes portaient plus d'information, ce qui permettait de réduire considérablement la taille des paquets et des machines.
La perforation des cartes s'est d'abord effectuée avec des perforatrices à main, totalement mécaniques ou électrifiées.
Dans les 2 cas, la technique est la même : l'opératrice connait bien sûr par coeur le codage des chiffres et des lettres et elle enfonce simultanément les touches correspondant aux poinçons à activer (1, 2, ...3). La carte est immobile. Dès qu'elle relache les touches, la carte avance d'une colonne pour le caractère suivant.
Par la suite, les différentes sociétés ont développé de véritables machines électriques (et même électroniques) de perforation, permettant la perforation, la recopie, la vérification...
L'alimentation en cartes vierges est automatique, un tambour de codage permet de définir des tabulations sur une carte, de spécifier les champs numériques ou alphabétiques...
Un atelier de perforation comprenait couramment 20, 40... machines. Les opératrices (métier exclusivement féminin) travaillaient par binômes :
– l'une faisait la perforation d'un jeu de bordereaux.
– la seconde mettait sa machine en mode 'vérification' et retapait chaque bordereau.
En mode 'vérification', aucune frappe nouvelle ne s'effectuait mais la machine comparait le code perforé et le code frappé. Si la carte était correcte, elle recevait sur le côté une petite encoche. Il était ensuite facile de repérer dans le paquet les cartes incorrectes à reprendre.
Après la perforation, l'étape suivante, en mécanographie, était fréquemment le tri des cartes, c'est à dire le classement des cartes en fonction du caractère présent dans une colonne donnée (ordre numérique ou ordre alphabétique).
Toutes les trieuses se ressemblent :
– à droite, un chargeur reçoit le paquet de cartes à trier,
– une mécanique lit les cartes une à une, sur une seule colonne sélectionnée manuellement, et ouvre des aiguillages,
– à gauche, 12 casiers de réception numérotés de 0 à 9, 11 et 12, plus un casier de rejet.
Si je suppose que chaque carte porte un numéro de Sécurité Sociale...
– en triant sur la colonne 1, la machine va me séparer le paquet en deux groupes : chiffre 1 pour les hommes, chiffres 2 pour les dames. J'ai déjà un élement de statistiques.
– En triant sur la colonne 3, puis en regroupant les cartes 0,1,2... et en retriant sur la colonne 2, je retrouve mon paquet de cartes trié sur les années de naissance 00, 01, 02, 03 ... 99. Nouvelle statistique possible.
(Au fait comment l'INSE et la Sécurité sociale distinguent-ils les naissance de 1915 de celles de 2015 ?)
Un tri alphabétique nécessite 2 passages du paquet de cartes pour chaque colonne : une fois pour trier sur les lignes 2 à 9 exclusivement, puis une deuxième passe pour trier sur les lignes 12,11 et 0...
Ainsi, pour ordonner un paquet de cartes suivant un champ alphabétique de 12 caractères, le paquet passera 24 fois dans la trieuse !