Aujourd’hui, dans l’« Y grenoblois », c’est-à-dire autour des vallées du Drac et de l’Isère, on dénombre au moins huit entreprises dans le domaine de l’électronique qui toutes ont en commun d’avoir pris naissance, au moins pour une part, grâce au « centre Émile Girardeau » situé à Saint-Égrève, à 6 km de Grenoble. Au total ces entreprises emploient en 2015 plus de 8000 personnes.
Ce parcours se propose de décrire le pourquoi de ce rayonnement.
En 1898 Eugène Ducretet avait établi la première liaison radio entre la tour Eiffel et le Panthéon.
Gustave Ferrié (1838 – 1932) ingénieur des transmissions radiophoniques dès 1891, entreprend de développer les techniques radio au sein de l’armée. En 1908, un collaborateur de Ferrié, Paul Brenot retrouve à La Rochelle l'un de ses camarades de promotion à Polytechnique, Émile Girardeau et lui communique sa passion pour la TSF. Emile Girardeau réalise qu'il n'y a pas en France d'entreprises comme Marconi ou Telefunken. Il s'associe avec Joseph Béthenod, du même âge, pour fonder en 1910 la Société française radio-électrique (SFR) qui fournit à l'armée les matériels dont elle a besoin pour les transmissions sans fil. Ils réalisent la première liaison radiotélégraphique dans des pays tropicaux, de Brazzaville à Loango.
La Première Guerre mondiale donne l'occasion à la société de se développer rapidement. Elle livre 65 stations fixes de plus de 5 kW, 18 000 postes d'avions, 300 postes de navires et 300 postes mobiles, sur véhicule.
La création de la Compagnie Générale de Télégraphie sans fil (CSF) en 1918 résulte du succès de la SFR.
Émile Girardeau prend la direction de ce nouveau groupe aux activités diversifiées :
- la SFR développe et produit des alternateurs haute fréquence, des antennes, des centres d'émission et des centres de réception ;
- la Radiotechnique dont la CSF prend la contrôle en 1920 est spécialisée dans la fabrication des tubes électroniques, notamment les triodes destinées essentiellement au marché des appareils de TSF grand public ;
- et enfin la Compagnie Radio France créée en 1921 pour assurer l'exploitation de réseaux internationaux.
Emile Girardeau dirigera cette deuxième entreprise jusqu’en 1945.
En 1953, Maurice Ponte, alors directeur général du groupe CSF, prend la décision de construire une usine dans la région de Grenoble. Il fait suite à la demande du ministre de la reconstruction de concourir à l’œuvre de décentralisation industrielle de la France. Il choisi d’implanter cette usine dans une région dont il connaît très bien les ressources. En effet, l’objectif de cette nouvelle usine étant de fabriquer des tubes électroniques miniatures, elle doit rassembler des compétences variées. Ce nouveau site portera le nom de Centre Emile Girardeau.
Maurice Ponte était né à Voiron et connaissait bien la région grenobloise.
Il savait qu’on y trouvait un environnement scientifique et technique qui correspondait aux besoins de son projet. A l’époque, Grenoble est déjà une ville à la fois universitaire, scientifique et industrielle remarquable. Elle forme et emploi de nombreux ingénieurs. L’institut polytechnique de Grenoble date de 1909, l’institut Fourier de 1930, une section hyperfréquences de l’institut est créée en 1942 et un laboratoire des résonances magnétiques en 1951.
Par ailleurs, de nombreuses industries traditionnelles ou récentes sont déjà implantées dans la région : papeteries, cimenteries, électrochimie, aluminium, matériel électrique, équipements hydrauliques…
Grenoble est aussi en pleine expansion démographique et les salaires sont plus bas qu’à Paris. On y trouve donc de la main d’œuvre de qualité, en particulier une main d’œuvre féminine très habile, car issue de la ganterie et du tissage, ainsi que des ressources utiles pour l’encadrement technique et administratif.
Les formations d’ingénieurs à Grenoble remontent à la fin du XIXème siècle, lorsque Paul Janet inaugure le 12 janvier 1893 un cours d’électricité industrielle afin de répondre à la demande des industriels dauphinois. En effet, à cette époque, l’usage industriel de l’électricité est mature et il y a dans cette région à fort potentiel hydroélectrique un grand besoin d’ingénieurs spécialistes de cette discipline hautement stratégique dans le contexte économico-industriel de l’époque. Ce nouvel enseignement, qui a beaucoup de succès, d’abord soutenu par la ville de Grenoble, va déboucher sur la création d’un Institut indépendant : l’institut d’électrotechnique de Grenoble en 1909.
La CSF acquiert donc un domaine de 12 hectares à l’emplacement d’une ferme datant de 1642, à Saint-Égrève, au pied de la montagne de Chalves.
Les bâtiments d’origine de cette ferme ont été sauvegardés.